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L’Inde est rattrapée par une nouvelle vague #metoo dans le cinéma. Elle touche, cette fois, l’industrie cinématographique du Kerala, surnommée Mollywood, qui produit près de deux cents films par an, en langue malayalam. Son concurrent Bollywood, basé à Bombay, avait été secoué en 2018 par un premier scandale.
Le 19 août, un rapport explosif, qui révèle une pratique généralisée de harcèlement et d’agressions sexuelles, a été rendu public. Il émane de la commission Hema du nom du juge qui la préside, créée en 2017 sous la pression d’un groupe d’actrices par le gouvernement communiste local à la suite de l’enlèvement et de l’agression sexuelle par plusieurs hommes d’une star, Karthika Menon.
Fait rare, la victime avait porté plainte et les enquêteurs avaient découvert que l’acteur et producteur Gopalakrishnan Padmanabhan, une superstar aux 130 films, était l’instigateur de cet enlèvement, une « opération punitive » s’apparentant à une vengeance personnelle. Il a été inculpé en 2017, arrêté puis libéré sous caution après quatre-vingt-cinq jours de prison. L’affaire est toujours pendante.
Pendant deux ans, la commission Hema a mené des entretiens confidentiels avec tous les intervenants, acteurs, actrices, mais aussi toutes les petites mains, des costumiers aux maquilleuses. Elle a remis ses conclusions en décembre 2019 au gouvernement du Kerala, mais ce dernier a mis l’épais document de 290 pages sous le tapis. Il vient seulement d’être publié, avec cinq ans de retard, sur ordre de la commission d’information de l’Etat, le 6 juillet 2024. Le recours d’un acteur a encore retardé sa publication, mais la Haute Cour du Kerala l’a rejeté.
Le rapport, expurgé d’une soixantaine de pages pour masquer l’identité des témoins et des accusés, est édifiant concernant cette industrie, décrite sous l’emprise et le contrôle d’une « mafia d’hommes puissants », un groupe d’une quinzaine de personnes, et au sein de laquelle « le harcèlement sexuel à l’encontre des femmes est endémique ».
Les victimes témoignent d’un chantage à l’emploi, de la part des acteurs, des producteurs, des réalisateurs, obligeant les actrices, en particulier les débutantes, à accepter des « compromis » ou des « ajustements », c’est-à-dire des rapports sexuels contre des rôles ou une progression dans leur carrière. « Les hommes de l’industrie exigent ouvertement des relations sexuelles sans aucun scrupule, comme s’il s’agissait d’un droit acquis », écrivent les auteurs.
La commission relève des conditions de travail dangereuses sur les tournages, avec l’absence d’installations de base comme des toilettes ou des vestiaires pour se changer, obligeant les femmes à se soulager dans des endroits isolés, ou à s’empêcher de boire de l’eau, les caravanes étant réservées aux actrices principales. Les tournages en extérieur sont particulièrement propices à des agressions. Une actrice a raconté qu’un réalisateur en état d’ébriété tambourinait la nuit si violemment à la porte de sa chambre d’hôtel qu’elle craignait que celle-ci ne cède. Le seul moyen de se protéger, pour les protagonistes, consiste à se faire accompagner sur les plateaux par un parent ou un proche.
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